Plus jeune, je ne comprenais pas très bien pourquoi des gens autour de moi, concernés par les questions LGBT+, étaient à la recherche de films ou de séries abordant ces sujets, qui me semblaient à l’époque totalement éloignés de mes préoccupations. N’étant intéressée ni par le fait d’être en couple, ni d’avoir des relations amoureuses ou sexuelles, leur démarche m’échappait un peu. C’est très tardivement, vers la quarantaine, que je me suis rendu compte que l’absence de représentation avait été un problème pour moi aussi. On ne parlait pas d’asexualité ou d’aromantisme quand j’étais une adolescente et une jeune adulte en construction, je ne savais même pas que ça existait. Le fait de n’avoir jamais trouvé de personnages qui me ressemblaient en fiction avait contribué à ancrer en moi l’idée que je n’étais « pas normale », que j’avais un problème, que je devrais garder ces choses-là en moi comme un sujet honteux.
Quand j’aborde le sujet aujourd’hui, on va m’opposer des contre-exemples comme Sherlock Holmes, mais la question n’est pas là. Ce qui m’aurait aidée, ça aurait été d’avoir des modèles de femmes jeunes et contemporaines auxquelles je puisse m’identifier, qui ne soient tout simplement pas intéressées par l’amour et la sexualité, sans être pour autant montrées comme étant tordues ou abîmées par la vie, ni comme des « vieilles filles » aigries. J’aurais eu besoin qu’on me montre que c’était une façon de vivre comme une autre, et que j’en avais le droit. Aujourd’hui encore, je cherche ces personnages sans en trouver souvent. Je me suis fait tatouer la déesse Athéna car elle reste un des seuls modèles forts que j’aie trouvés dans ce sens : une femme puissante qui ne soit pas définie par ses relations amoureuses.
[Melanie Fazi, 2020]
Née en 1976, Mélanie Fazi est autrice de nouvelles et de romans fantastiques. Plusieurs de ses textes ont même été traduits et publiés dans des revues anglo-saxonnes. Elle est également traductrice. Son œuvre a été récompensée par de nombreux prix.
Essai : « Est arrivé un jour où la fiction n’a pas suffi. »
Aussi curieux que cela puisse paraître, il me semble qu’une des forces de l’œuvre de Mélanie Fazi est que précisément la fiction n’a jamais suffi. [extrait de la préface de Léo Henry] (voir la fiche)
Représentation : expérience d’une forme d’aromantisme/assexualité